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L'Irlandais qui exporte l'impôt au soleil

Kieran Holmes était un inspecteur des impôts comme les autres. En bon Irlandais, son goût pour le voyage l’a amené à instaurer des systèmes de taxes aux quatre coins du globe.

Assis à son bureau d’inspecteur des impôts à Dublin, Kieran Holmes s’ennuyait à mourir. Son boulot respirait la bureaucratie et consistait principalement à éplucher des déclarations papiers de revenus. En 1984, cela faisait sept ans qu’il était dans les meubles. Après avoir étudié le droit fiscal à l’université, il avait passé quatre ans comme junior et depuis trois ans, il était inspecteur de niveau supérieur.

Et puis un jour, la révélation. Un de ses amis et collègue mentionne qu’il a vu une offre d’emploi dans le journal pour diriger l’administration fiscale de Kiribati, une ancienne colonie britannique dans le Pacifique, composée de 32 atolls et qui avait obtenu l’indépendance en 1979. Kieran avait toujours été intéressé par l’économie de développement et l’économie comparative. "Mon ami ne se souvenait plus dans quel journal il avait vu cette offre, je suis allé chez le fournisseur irlandais des journaux du dimanche et j’ai acheté tous les numéros du Sunday Times et du Sunday Observer", se souvient-il. Le début de l’aventure de toute une vie. Une fois le job obtenu, "je savais que je ne reviendrais jamais", dit-il.

Taxes en plein océan

Il restera 6 ans dans ce pays aux allures paradisiaques. Un laps de temps où le revenu des taxes de Kiribati a augmenté de 400%. "Les taxes de douanes fonctionnaient comme une taxe par défaut car tout ce qui était consommé dans le pays venait de l’étranger, il ne fallait donc pas instaurer de TVA mais taxer les revenus, explique Kieran. Les chiffres étaient petits mais les leçons étaient grandes. En augmentant les revenus, Kiribati n’était plus obligé d’équilibrer son budget en puisant dans ses réserves. En conséquence, il pouvait réinvestir toutes ses réserves qui ont grandi de manière exponentielle et plus vite que les revenus."

Ce n’était en fait que la première leçon de cet Irlandais qui allait vite devenir unique en son genre. Il arrivera par la suite à devenir le spécialiste pour instaurer des taxes dans des pays aussi variés que le Lesotho, le Yemen ou le Rwanda.

"La meilleure façon de procéder est de s’attaquer directement aux gros payeurs de taxes, puis aux moyens et puis aux plus petits. Si vous pouvez faire rapidement payer les gros contributeurs, en ayant un climat de confiance et en évitant les pots-de-vin, les revenus augmentent presque instantanément", explique-t-il. Un job impossible sans une implication très forte des gouvernements locaux comme ce fut le cas durant l’expérience rwandaise de Kieran.

Il arrive évidemment que les problèmes de corruption obligent les autorités à licencier en masse comme ce fut le cas au Burundi où toutes les équipes ont été renouvelées à son arrivée. "On a engagé 425 nouveaux agents fiscaux. La plupart étaient de jeunes diplômés avec une nouvelle éthique", dit-il.

Clé du développement

L’importance des taxes domestiques doit être un facteur clé dans les politiques de développement selon Kieran Holmes. "Visiblement une personne qui a fait ce que j’ai fait dans 5 ou 6 pays, ça ne marche pas au niveau global. Depuis quelques années, je me demande comment aller plus loin. Nous devons trouver une manière de s’occuper de ce problème pour au moins les 60 pays les plus pauvres au monde, de trouver un moyen pour que tous ces pays comprennent la nécessité de collecter leurs revenus d’une bonne manière et de les dépenser sagement. Il manque encore quelque chose pour y arriver", estime-t-il.

Il cite un rapport de la Chambre des communes qui montre que le Pakistan, le plus grand bénéficiaire de l’aide au développement du Royaume-Uni, collecte moins de 10% de son PIB en taxes. "Pourquoi les contribuables britanniques devraient-ils aider le Pakistan quand les Pakistanais ne veulent pas payer de taxes pour le bien de leur propre économie? C’est un argument très convaincant et nous devons comprendre ce lien."

Le comité de développement international britannique est donc arrivé à une conclusion qu’il partage: "Les pays qui veulent stimuler leur propre base de revenus devraient être les premiers à recevoir de l’aide internationale et ceux qui ne veulent pas le faire devraient être relégués au bout de la file. Il faut mettre les taxes très haut dans l’agenda international au développement et tracer la ligne entre les contribuables de ces pays et les contribuables de nos pays. Il faut dire à ces pays: ‘Oui nous comprenons votre détresse et nous voulons vous aider mais vous devez aussi vous aider vous-mêmes", conclut l’homme de 60 ans qui n’a pas la moindre envie de prendre sa retraite de sitôt.

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